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La nouvelle loi Handicap, un progrès pour l’emploi ?

Quel avenir pour les services emploi-formation pour les publics sourds ?
Article publié le dimanche 27 novembre 2005.


Nous avions fondé beaucoup d’espoir lors de l’annonce par le Président de la République de la mise en chantier d’une nouvelle loi sur le Handicap.

Comme beaucoup d’autres associations, nous avons participé activement aux différents groupes de travail mis en place dans le cadre de la concertation avec le gouvernement.

La loi a été adoptée le 11 février 2005. La Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie ( CNSA) est mise place. Les décrets d’application sont en cours d’élaboration.

Cette nouvelle loi marque t’elle un réel progrès par rapport à Loi de 1975 ? Nous n’en sommes pas convaincus, même si - hors du champ de l’emploi et de la formation - nous nous sommes félicités de la reconnaissance de la Langue des Signes et de la nouvelle réglementation sur le sous-titrage à la télévision.

Sommaire

-  Un chômage massif des personnes handicapées
-  Nouvelles modalités de contribution des entreprises
-  Obligation d’emploi « raisonnable »
-  Les différents acteurs de l’insertion professionnelle
-  La formation professionnelle
-  Nouveau mode de calcul pour les décomptes des salariés handicapés en entreprise
-  Les financeurs : la CNSA et le fonds inter-fonctions publiques
-  Fonction publique territoriale
-  Lourdeur du Handicap
-  Plan des métiers
-  Quel avenir pour les services emploi-formation public sourds ?
-  Conclusion
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LES QUESTIONS QUE POSE LA NOUVELLE LOI DANS LE CHAMP DE L’EMPLOI ET DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE

Un chômage massif des personnes handicapées
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En premier lieu, soulignons la forte dégradation de la situation de l’emploi pour les personnes handicapées.

L’ANPE vient de publier ses derniers chiffres concernant le chômage des personnes handicapées. A la fin de l’année 2004, 279 800 demandeurs d’emploi handicapés étaient inscrits à l’ANPE : 31 % des actifs handicapés sont aujourd’hui sans emploi contre 28 % précédemment.

Les nouvelles modalités de contribution des entreprises, ses conséquences possibles
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Jusqu’à présent les entreprises pouvaient :
-  employer des personnes handicapées ( 6 % minimum),
-  conclure des accords d’entreprise,
-  travailler avec des Ateliers Protégés ( aujourd’hui appelés Entreprises Adaptées),
-  verser une contribution à l’AGEFIPH.

Maintenant les entreprises pourront également déduire du montant de leur contribution à l’AGEFIPH des dépenses destinées à favoriser l’accueil, l’insertion ou le maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés au sein de l’entreprise ou l’accès de personnes handicapées à la vie professionnelle.
Il s’agit de dépenses non imposées en application d’une disposition législative ou réglementaire.

La nouvelle loi prévoit de sanctionner plus fortement les entreprises qui n’auront ni recruté de personnes handicapées, ni utilisé les autres manières de remplir leurs obligations, par une augmentation de leur contribution à l’AGEFIPH ( tout ceci dans un délai de trois ans).

Cette augmentation potentielle de recettes, non souhaitable au demeurant, ne compensera vraisemblablement pas les baisses de recettes générées par les nouvelles déductions autorisées aux entreprises.

L’AGEFIPH sera donc sans doute amenée à revoir ses priorités. On connaît les premières mesures que son Conseil d’Administration a prises ces derniers mois : fin du financement de l’accompagnement des étudiants handicapés, baisses des aides financières pour l’achat des prothèses auditives, et d’autres mesures limitatives pour l’accompagnement des personnes sourdes et malentendantes.

Obligation d’emploi « raisonnable ».
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Les employeurs privés et publics sont tenus de prendre les mesures appropriées pour permettre aux travailleurs handicapés d’accéder à un emploi, de le conserver ou d’y progresser. Ces dispositions comportent cependant une réserve : le texte parle d’ « obligation d’emploi » et d’autre part a recourt à une notion aussi impossible à cerner que celle de « mesures appropriées aux charges non disproportionnées supportées par les employeurs » laissant large ouverte une brèche à des dérogations multiples. Le texte parle de sanctions et de contraintes, mais en multipliant les possibilités dérogatoires.

Le coût des aides humaines spécifiques au handicap de la surdité ne sera t-il pas considéré par les entreprises comme « disproportionné », en particulier dans les situations de formation professionnelle longue ?

Sachant que l’AGEFIPH limite son niveau d’intervention, les entreprises ne seront-elles pas tentées de demander au salarié sourd de trouver un complément pour financer « sa compensation » dans le cadre d’une démarche personnelle à effectuer auprès de la Maison Des Personnes Handicapées, sachant que la prestation de compensation semble réservée aux actes essentiels de la vie quotidienne et ne pas s’appliquer au secteur de l’emploi et de la formation ( voir plus loin dans ce texte sur ce point ).

Quelle complémentarité entre les différents acteurs de l’insertion professionnelle ?
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Quelle complémentarité peut-on espérer entre les Maisons Départementales des Personnes Handicapées ( MDPH) , les CAP EMPLOI et les services de droits communs ( ANPE, Missions Locales...) ?. Quelle cohérence entre les actions de chacun de ces acteurs de l’insertion professionnelle ? Comment l’usager handicapé se repérera t ’-il dans tous ces dispositifs ? Qui les coordonnera, qui pilotera ?

Pour le moment nous attendons toujours des réponses concernant ces questions.

La formation professionnelle
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Sur la question de la formation professionnelle, cette loi est très décevante car elle en reste à des simples recommandations, voire des vœux pieux.

Compte tenu de la sous-qualification massive des personnes handicapées, on est très loin du « plan Marshall pour la formation » réclamé par toutes les associations au moment des discussions préparatoires à la loi.

La loi parle d’ « organismes spécialement conçus pour la compensation ». Mais il conviendrait dans le décret d’application de faire le lien avec tous les dispositifs d’accompagnement avec lesquels la personne a déjà été amenée à travailler un projet de formation professionnelle, dont les dispositifs dédiés aux personnes sourdes et malentendantes. Il serait utile que dans le décret d’application un lien soit mentionné avec le plan de compensation élaboré avec l’équipe pluridisciplinaire de la MDPH, lorsque celui-ci prévoit explicitement un volet formation.

Conséquences du nouveau mode de calcul pour les décomptes des salariés handicapés en entreprises
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Un nouveau mode de calcul du nombre de salariés handicapés dans les entreprises est retenu. : au système de proratisation en fonction du degré de handicap ( un bénéficiaire lourdement handicapé comptait pour plusieurs unités) est substitué une forfaitisation ( un bénéficiaire = 1 unité ).

Ce nouveau mode de calcul risque de pénaliser les candidats à l’emploi les plus lourdement handicapés, et pour ce qui nous concerne, les personnes sourdes profondes ou avec handicap associé.

Deux nouveaux financeurs apparaissent : la CNSA et le fonds inter-fonctions publiques.
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Aujourd’hui nous ne savons pas encore précisément quel sera l’apport de ces nouveaux acteurs, mais surtout quelle sera leur articulation et leur complémentarité avec les mesures et les financements existants.

Que financera la CNSA ? Ou plus exactement que ne financera t-elle pas ? Tout ce qui est du domaine de la scolarité et l’emploi ne semble pas faire parti de son champ d’action. Il est donc peu probable que la nouvelle prestation de compensation pourra financer une aide technique ou humaine dans le cadre de l’insertion professionnelle. Et de toute façon, la nouvelle prestation de compensation parait réservée à l’aide aux actes essentiels de la vie quotidienne. Dans ce cas, elle ne pourra pas financer des aides humaines ( interprètes LSF, interfaces de communication, codeurs LPC) si la communication n’est pas considérée comme un acte essentiel de la vie.

La création du nouveau fonds inter-fonctions publiques ne peut que nous réjouir, mais de quels moyens sera t- il réellement doté, et surtout dans quel délai ( l’Etat s’accordant plusieurs années pour sa montée en charge) ?

Selon de premières indications ces fonds serviront à financer un certain nombre de dépenses : aménagement des postes de travail, accompagnement, sensibilisation, aménagement des moyens de transport, actions de formation et d’information, versement de subventions à des organismes contribuant à l’insertion professionnelle.

Nous espérons que les salariés sourds et malentendants concernés pourront bénéficier pleinement de ces nouvelles dispositions.

Projet de décret relatif à la fonction publique territoriale
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Sur ce projet de décret nous ne pouvons qu’approuver totalement l’avis exprimé par le CNCPH qui dit : « le recrutement de fonctionnaires dans la fonction publique territoriale est organisé selon un dispositif qui contredit le principe de non-discrimination adopté par la loi du 11 février 2005. Les bénéficiaires de l’obligation d’emploi ne peuvent être recrutés en qualité d’agent contractuel que si leur handicap a été jugé compatible avec l’emploi postulé.

Or ce n’est pas uniquement la compatibilité avec le poste qui est vérifiée mais l’aptitude à la fonction.

Cela peut se révéler de fait discriminant pour les personnes aptes à exercer certains postes de la fonction mais non la totalité des métiers.

Par exemple un avocat ayant perdu la vue a postulé pour devenir magistrat. Il a été déclaré inapte car il ne pouvait potentiellement pas exercer toutes les fonctions susceptibles d’être exercées par un juge.

Il faudrait revoir le dispositif de telle façon que seule l’aptitude au poste ou tout au moins à certains postes de la fonction, avec prise en compte des aménagements raisonnables, soit examinée »

La Lourdeur du Handicap ( projet de décret)
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Selon le projet de décret la lourdeur du handicap doit s’apprécier en situation, en fonction du poste et non a priori et hors contexte.

La procédure retenue risque d’être un frein à son utilisation, notamment dans les situations d’accès à l’emploi poste de travail. De plus le projet de décret ne fait nulle part référence au point de vue du salarié qui est seulement informé du dépôt de la demande.

La notion de « faible productivité » nous interroge. En fonction de quel référentiel celle-ci sera-t-elle appréciée ?

Plan des métiers
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D’ici un an le gouvernement présentera un plan des métiers afin de favoriser la complémentarité des interventions médicales, sociales et scolaires. Il traitera de la reconnaissance et la gestion prévisionnelle de ces emplois.

Nous pouvons espérer que la question de la reconnaissance des nouveaux métiers, apparus dans le champ de la surdité avec le développement de l’intégration scolaire et professionnelle, sera résolue.

QUEL AVENIR POUR LES SERVICES EMPLOI-FORMATION PUBLIC SOURDS ?

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Ces services ont accueilli 20 000 personnes sourdes et malentendantes depuis 1990.

Le gouvernement a refusé d’intégrer dans la loi un statut législatif pour les organismes d’insertion professionnelle. Nous trouvons parmi ces organismes les services « Emploi-Formation » gérés par nos associations régionales.

Rappelons la déclaration de la Secrétaire d’Etat aux Personnes Handicapées pendant les débats au Parlement, déclaration particulièrement inquiétante concernant la pérennisation de ces services :
« Les organismes d’insertion professionnelle jouent un rôle important. Toutefois, il ne faut pas donner un statut législatif à ces organismes, qui répondent partiellement, et pour des durées variables, aux demandes d’un public spécifique, et n’a pas vocation à se constituer en réseau national ni à être systématiquement conventionnés et financés par l’AGEFIPH . Certains de ces organismes pourront bien sûr bénéficier d’une aide de l’AGEFIPH. »

Par ailleurs ces services sont essentiellement co-financés par l’ AGEFIPH et le FSE ( Fonds Social Européen), et pour une part par les Conseils Régionaux.

Le financement FSE actuel s’arrête le 31 décembre 2006. Que se passera-t’il après ?

EN CONCLUSION

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Avant de se faire une opinion définitive sur cette nouvelle loi, il faudra attendre la parution de tous les décrets d’application.

Mais la question essentielle réside dans l’importance des moyens financiers qui seront mobilisés pour donner une effectivité complète à la loi.

Nous connaissons tous le niveau colossal de la dette de l’Etat et sa politique de désengagement continue ces dernières années dans le champ du handicap et de l’insertion sociale en général. Les budgets des Conseils Généraux explosent du fait des transferts (voulus ou imposés) de l’Etat vers les Départements.

Pour l’AGEFIPH, nous ignorons quel sera l’impact de la nouvelle loi sur ses finances. Par ailleurs nous ne savons pas encore précisément quel sera l’apport réel de la CNSA et du fonds inter-fonctions publiques.

En conclusion nous ne pouvons qu’appeler toutes nos associations et toutes les familles qu’elles regroupent à rester vigilantes et mobilisées, et à participer aux instances mises en place dans les Maisons Départementales des Personnes Handicapées.

Elie MARTIN
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