Chers lecteurs, nous vous invitons à nous faire part de vos témoignages pour mieux faire connaître au grand public, aux autorités compétentes, aux médecins et rééducateurs, la situation, parfois dramatique, de ces personnes sourdes victimes d’un AVC et d’une aphasie.
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Je me suis intéressé à cette problématique après avoir été plongé dans ce monde l’AVC depuis 2011 suite à l’AVC de mon épouse, étant par ailleurs militant de longue date dans le monde de la surdité (depuis 1980, parent puis professionnel).
COMBIEN DE PERSONNES SOURDES ET APHASIQUES EN FRANCE ?
Je n’ai pas trouvé de recensement officiel, et je ne pense pas qu’il y en ait. Voilà mon estimation. En France, l’aphasie touche plus de 300 000 personnes soit 0,45 % de la population. J’avais estimé il y a plusieurs années à 150000 le nombre de personnes sourdes s’exprimant en Langue des Signes Française (voir articles publiés sur le site de l’UNAPEDA). Mon calcul est donc le suivant : 150000 x 0,45 = 675 personnes qui seraient sourdes gestuelles et aphasiques en France, soit en moyenne 5 à 7 personnes par département. C’est seulement une approche, pour dire que ces personnes sont rares (et fort heureusement).
DE QUELLES INFORMATIONS DISPOSENT T-ON SUR L’APHASIE CHEZ LES PERSONNES SOURDES GESTUELLES ?
J’ai trouvé plusieurs publications sur cette problématique parues au Royaume-Uni et aux USA mais je n’ai pas trouvé de publication française sur ce sujet. J’ai appris qu’une équipe du Groupement des Hôpitaux de l’Institut Catholique de Lille (GHICL) travaillait à partir de ces recherches anglo-saxonnes pour les adapter au public aphasique pratiquant la langue des signes en France. Ce travail du GHICL, qui concerne l’évaluation cognitive des personnes sourdes, devrait faire l’objet d’une publication en 2021. Le manuel pratique résumant ce travail et permettant de faire passer le test, est déjà disponible sur www.psysourds.fr
Parmi les différentes publications que j’ai pu découvrir, je vous signale l’article paru sur le site de la National Aphasia Association (Etats-Unis), très accessible aux non spécialistes : Sign Language and Aphasia, que vous pouvez retrouver sur le lien suivant https://www.aphasia.org/stories/sign-language-aphasia/.Autre source d’information, au Royaume Uni : le Deaf Stroke Project, dont on trouve certaines publications sur https://dcalportal.org/research.
Dans ces différentes lectures j’ai relevé les points suivants :
L’aphasie affecte t-elle la communication en langue des signes ?
Les personnes sourdes peuvent-elles communiquer en langue des signes après une lésion cérébrale ?
Le langage gestuel est-il affecté de la même manière que la communication orale ou écrite ?
Des chercheurs (GB) ont étudié des cas d’AVC chez des personnes sourdes qui utilisent la langue des signes pour communiquer. Ceux qui ont subi des dommages dans l’hémisphère gauche du cerveau avaient du mal à former le langage. Ceci est similaire à ceux atteints d’aphasie de Broca. Les personnes atteintes de lésions du lobe temporal gauche avaient du mal à comprendre le langage. Ceci est similaire à ceux atteints d’aphasie de Wernicke. Mais les personnes qui avaient des dommages dans l’hémisphère droit n’avaient pas de difficulté à comprendre ou à utiliser la langue des signes.
Le docteur Benoît Drion, Coordinateur du réseau Sourds et Santé - Nord Pas de Calais, GHICL Lille, m’indiquait dans un échange que l es aires motrices sont concernées dans la production de la langue des signes, mais les lésions qui entraînent une aphasie ne se situent pas là.
Comme chez les entendants, ce sont les aires langagières (Broca et Wernicke dans l’hémisphère gauche chez le droitier) qui sont touchées (se référer au Réseau sourds-santé https://www.ghicl.fr/reseau-sourds-sante).
Il faut donc
exploiter les compétences des patients sourds dans l’art du mime (ne pas confondre avec la Langue des Signes Française), qui utilisent l’hémisphère droit non lésé, mieux que les personnes entendantes, pour entretenir une communication.
Et
apprendre à la famille comment elle peut continuer à communiquer en pratiquant le mime. Mais cela ne peut pas remplacer un vrai travail rééducatif.
A ce jour, en France, peu de moyens sont alloués aux recherches, sans doute compte-tenu de la rareté des cas rencontrés, et on peut supposer que les patients concernés sont relativement laissés de côté, sauf rares exceptions, par des professionnels perplexes face à ces situations, et ne sachant sans doute pas a quel autre professionnel faire appel, et faute de centre national référent dans le domaine.
Concernant le public sourdaveugles, seule une équipe norvégienne y a travaillé.
En conclusion espérons qu’une prise de conscience s’opère du côté du ministère de la santé, des ARS, et que des moyens seront spécifiquement dédiés à ce travail ( financement, recherches)
Vous trouverez ci-dessous une étude parue dans Oxford University Press en anglais que nous a communiquée le Docteur Drion, que nous remercions vivement
Auteurs de l’étude
Delphine Fleurion [1]
Stéphane Verdun [2]
Isabelle Ridoux [3]
Corine Scemama [4]
Isabelle Bouillevaux [5]
Anna Ciosi [6]
Benoît Drion [1]
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[1] Réseau Sourds et Santé, Groupement des Hôpitaux de l’Institut Catholique de Lille, Lille F-59000, France
[2] Lille Catholic hospitals, Biostatistics Department, Delegations for Clinical Research and Innovation, Lille Catholic University, Lille, France
[3] Unité de soins pour personnes sourdes, Hôpital Pontchaillou, Centre Hospitalier Universitaire, Rennes F-35000, France
[4] Unité Ambulatoire Surdité et Santé Mentale-Méditerranée du Pôle Psychiatrique Centre, Hôpital la conception, Assistance Publique-Hôpitaux de Marseille, Marseille F-13005, France
[5] Unité Régionale d’Accueil et de Soins pour Sourds et Malentendants, Hôpital Saint Julien, Centre Hospitalier Régional Universitaire, Nancy F-54035, France
[6] Psychiatry Department, Centre Hospitalier de Bastia, Bastia F-20600, France
La FNAF (Fédération Nationale des Aphasiques de France) mène actuellement, avec des chercheurs de sciences humaines, des appels tests d’urgence de personnes aphasiques vers le 114.
Dans ce cadre organise, une formation des agents du CNR114 est organisée sur l’aphasie et la communication avec des personnes aphasiques. Certains de ces agents sont eux-mêmes sourds, et prennent en priorité les appels de personnes sourdes, s’exprimant en LSF. Cette formation inclue le cas de figure d’appelants sourds, aphasiques. Et ces appels tests incluent les agents sourds.
Nous avons commencé les appels tests avec des personnes aphasiques entendantes ou malentendantes. Nous avons adaptées nos conditions de tests au contexte du Covid. Nous sommes en train d’avancer sur la formation des agents et leur préparation individuelle, ce que nous poursuivrons début 2021. Nous souhaitons inclure des appelants aphasiques sourds, signant ou non. Nous sommes donc à votre écoute si vous connaissez des personnes concernées.
Nous avons engagé une démarche politique pour que les aphasiques soient officiellement reconnus comme un public pris en charge par le CNR114 (et Sophie Cluzel l’a publiquement indiqué en séance plénière au CNCPH, mais attend notre rapport sur les conditions et les couts d’accessibilité pour engager la pérennisation de ce volet du service).
Sophie Dalle-Nazébi