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Educateur sportif sourd et alors ?

lundi 14 février 2011.


je suis sourd sévère et j’encadre les enfants entendants

Nombreux sont les gens qui pensent qu’une personne sourde ne peut pas assurer certaines tâches dans le monde du travail. C’est normal qu’une personne (ici un employeur) se pose des questions.

Les sourds ont les réponses à ces questions. Ils peuvent expliquer leur surdité.

Je suis éducateur sportif et sourd sévère. Je n’ai pas trop eu de problèmes avec les employeurs.

Dans ce métier, mes employeurs ayant souvent des compétences pédagogiques, ont bien compris la surdité depuis que j’ai su leur expliquer. De plus je sais me faire respecter car je suis sûr de mon droit.

Là où ça se gâte c’est face aux médecins du travail. Des gens avec un doctorat en médecine ont plusieurs fois jugé que ma surdité pouvait être un obstacle à la sécurité du public encadré. Sans pour autant être capable de décrire des situations à risques concrêtes et réelles.

Exemples de remarques évoquées :

-  En cas d’accident je risque de ne pas entendre

Mais ça veut dire quoi concrêtement ?

Tous les éducateurs sportifs savent que l’on doit toujours avoir toutes les personnes du groupe dans son champ de vision en permanence, on n’encadre pas un groupe d’enfant "en aveugle".

Donc en cas de problème je vois et j’interragis avec mon groupe, je recadre et rappelle les consignes de sécurité, comme tous les éducateurs sportifs qui connaissent leur travail.

Il y a aussi quelques avantages d’être sourd auprès d’un groupe d’enfant. Avant un cours j’explique aux enfants que je suis uniquement en lecture labiale, même si quand j’ai mes prothèses je peux comprendre dans certaines situations à sonorité "aseptisée" (calme, pas d’écho...)

-  Les enfants savent que crier ne sert à rien et lèvent le doigt pour parler car ils savent que je n’entends pas et que je lis sur les lèvres
-  Quand je parle c’est d’une voix faible, par imitation et instinctivement les enfants parlent bas, ainsi la lecture labiale est facilitée.
-  Je signe en même temps, au fil d’une ou plusieures séances, les enfants connaissent des signes clefs (s’assoir, silence, faire la statue...) les enfants aiment la langue des signes et retiennent vite
-  Les séances se déroulent ainsi dans un calme étonnant, les enfants échanges en gestes au lieu de parler fort, ils ne sont pas frustrés car lorsque je demande le calme ils peuvent encore communiquer par geste.
-  La gestion de la sécurité est ainsi facilitée

C’est quand j’enlève mes appareils que j’ai le plus d’aptitudes pour encadrer un groupe en toute sécurité puisque pour moi les sons ne portent pas l’information avec clarté. Le son nuit à l’analyse de ce qui se produit. Avec les appareils j’entends un bruit, je regarde pour connaître l’origine de ce bruit ce qui m’empêche de voir globalement mon groupe. Un entendant se serait dit c’est rien, c’est un bruit de chaise et n’aurait pas eut besoin de regarder.

Sans les appareils je peux voir les choses telles qu’elles sont et me concentrer uniquement sur ce qui est pertinent. Par exemple à l’escalade une corde pas assez tendue, avec un placement en recul je suis en mesure de le voir, et comme je ne suis pas perturbé par les sons, c’est d’autant plus efficace.

Quand j’ai commencé ce métier, j’ai dù faire des examens de mise en situation pédagogique avec des groupes. Au début lorsque je n’avais pas d’expérience et n’étais pas encore assez compétent le jury hésitait à me laisser faire ce métier. C’était pas justifié uniquement par rapport à mon incompétence mais par rapport à ma surdité qui risquait de mettre en danger le groupe. Mais il s’agissait en fait d’erreurs de placement. Un animateur sportif doit voir son groupe en permanence. Celà paraît évident mais il faut maîtriser. Avoir son public derrière soit c’est risqué, en étant sourd c’est évidament encore pire. Mais c’est bien mon placement qui était mauvais, ma surdité n’avait rien à voir. Maintenant, avec plus de dix ans d’expérience, je sais me placer non seulement pour voir tout mon groupe et aussi pour que tous puissent me voir. De plus j’ai appris à formuler l’essentiel que les enfants doivent savoir pour une bonne communication. Je sais mettre en place des règles afin d’avoir une bonne gestion de groupe. Maintenant que je ne suis plus incompétent, lorsque je passe un examen de mise en situation pédagogique, curieusement on ne me parle plus de surdité car on voit bien que mon groupe est en sécurité.

Les médecins du travail ne connaissent pas ce métier et peuvent avoir envie de se couvrir en cas d’accident. Ils ne sont pas sur le terrain.

Encore une fois, je le dis, la surdité n’a rien a voir avec la médecine. C’est juste un problème de communication et de champ visuel qui doit être optimal. Pour l’éducateur sportif qui sait s’adapter, sa surdité se transforme en atout. Je gère mieux la sécurité d’un groupe sans appareils auditifs qu’avec. Pour le comprendre, faut-il être sourd ou simplement intelligent et à l’écoute ?

Mon rève c’est de voir ce métier s’ouvrir aux personnes sourdes. Je pense que la langue des signes auprès des enfants est un atout majeur. Pourquoi s’en priver ?

Cependant, il est essentiel que la formation d’éducateur sportif soit dispensée en langue des signes à des futurs éducateurs sourds.

Il n’existe aucune formation accessible, le choix d’une traduction simultanée ne me paraît pas être la meilleure solution car celà limiterait les échanges de groupe.

Si des sourds souhaitent suivre une formation d’éducateur sportif en langue des signes, ils peuvent me contacter laurent.25p@hotmail.fr et s’il y a un nombre suffisant de candidats, je tacherai de mettre en place de telles formations.

J’espère ne pas être le premier ou dernier des "Mohicans sourds"

J’espère que d’autres sourds, et même sourds profonds on un diplôme d’état d’éducateur sportif. Si c’est le cas il serait intéressant que le ministère de la jeunesse et des sports fasse un recensement. En attendant, vous pouvez me contacter pour me dire que vous êtes un "éducateur sportif sourd"

Laurent PITOY
sourd sévère

Voir en ligne : Visitez le blog de Laurent PITOY.

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