En 1988, seule une infime minorité des déficients auditifs (sourds sévères et profonds) accédait au baccalauréat et aux enseignements supérieurs Le nombre de bacheliers sur une classe d’âge de 750 sourds en France était estimé à 50, soit 6.7 %.
Des parents ne se satisfaisaient pas de cette situation, ils pensaient que le problème n’était pas une sorte d’incapacité inhérente au handicap auditif ,mais bien l’insuffisance de prise en compte des besoins spécifiques des personnes sourdes .
Au risque d’enfoncer des portes ouvertes, il faut rappeler qu’une personne déficiente auditive ne recevra pas le message oral si elle est sourde profonde ou recevra un message incomplet si elle est sourde moyenne ou sévère.
C’est l’analyse de cette situation qui a conduit les associations de parents regroupées en URAPEDA à mettre en place des dispositifs intégrant des aides humaines à la communication.
Ces dispositifs ont été financés pendant plus de dix ans par l’AGEFIPH, le nombre d’étudiants sourds a augmenté de façon significative.
En février 2005 est votée la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées .
Immédiatement, l’AGEFIPH considérant qu’elle devait se recentrer sur sa mission fondamentale c’est-à-dire l’emploi a donc décidé de ne plus financer les dispositifs étudiants. .La loi ne rentrant en vigueur que le premier janvier 2006 nous avons obtenu un sursis.
Mais il n’y avait pas d’inquiétudes à avoir puisque la nouvelle loi allait nous apporter des réponses notamment au travers de la mesure phare que constitue le droit à compensation des conséquences du handicap. Les décrets d’application de décembre 2005 ont bien confirmé nos craintes, pour les personnes déficientes auditives, la prestation de compensation se résume à un forfait de 30 heures par mois à un tarif proche du SMIC et réservé à la vie sociale alors que l’AGEFIPH versait un forfait pouvant aller jusqu’à 8150 euros annuels.
Nous avons donc exploré une autre piste : dans le chapitre de la loi consacré à la scolarisation un seul article, l’article 20 indique que les établissements d’enseignement supérieur assurent la formation des étudiants handicapés en mettant en œuvre les aménagements nécessaires à leur situation dans l’organisation, le déroulement et l’accompagnement de leurs études .
Cette formulation étant assez vague et imprécise, nous avons une nouvelle fois relu la loi. Autre mesure phare : la mise en place de la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie dont la mission est de contribuer au financement de la perte d’autonomie des personnes âgées ou handicapées dans le respect de l’égalité de traitement des personnes concernées sur l’ensemble du territoire (il est à noter que le budget de cette caisse financée en partie par un jour férié travaillé était excédentaire).
Nous avons donc adressé un dossier très complet sur le fonctionnement de nos services auprès de cette caisse et avons demandé de réserver une enveloppe de 3 millions d’euros (correspondant à la participation AGEFIPH). Parallèlement, nous nous engagions à déposer des dossiers auprès des instances compétentes en région pour être reconnus comme services, et plus précisément comme services de soutien à l’intégration post baccalauréat puisque les services actuels les SSEFIS n’interviennent pas après l’âge de 20 ans.
Nous n’avons reçu aucune réponse à nos nombreux courriers ni de la part des administrations concernées, ni de la part de certaines associations représentatives que nous avions sollicitées, mais par contre, un certain nombre de députés ont relayé nos demandes sous forme de questions écrites.
Finalement en juin 2006 nous avons été conviés à une réunion organisée conjointement par le Ministère délégué aux personnes handicapées et le Ministère de l’éducation nationale dont l’objet était la présentation du nouveau dispositif.
La rentrée est passée depuis plus d’un mois mais malgré quelques avancées (financement théorique de la CNSA et de l’éducation nationale , mise en place d’un comité de pilotage , de réunions avec les prestataires concernés et d’un groupe de travail ) le nouveau dispositif n’est pas encore vraiment défini ni opérationnel. Le risque de rupture est bien réel et augmente de jour en jour.
La question est : comment financer les « prestataires », les « tuyaux » pour que l’argent circule n’existant pas ?
Le recours aux règles des marchés publics et la procédure d’appel d’offre sont également évoqués.
Qui serait alors retenu ? Le mieux disant ? C’est-à-dire le moins cher ? Par qui et comment serait évaluée la qualité du service rendu ? Quel délai d’instruction des dossiers ?
Autant de questions sans réponses .............
Pourtant, une solution existe :
La prescription d’un service spécialisé adapté pouvant être un élément du plan de compensation,il suffirait de reconnaître que nos services s’inscrivent bien dans le cadre de l’action sociale et médico-sociale :
Ils en ont toutes les caractéristiques :
Les prestations que nous délivrons tendent à promouvoir l’autonomie des personnes sourdes et déficientes auditives
Elles reposent sur l’évaluation continue de leurs besoins
Elles sont réalisées par des équipes qualifiées
Faut-il déduire de l’absence de réponse sur ce point que la nouvelle loi tendrait à favoriser la création de services à la personne au détriment des services de l’action sociale et médico-sociale ?
Nous ne pouvons que nous féliciter dans ce contexte de la réponse de Monsieur de Robien à une question écrite de Monsieur Hénard, député de Meurthe et Moselle concernant la scolarisation des enfants sourds, réponse dans laquelle la contribution des services de soutien à l’éducation familiale et à l’intégration scolaire (les SSEFIS) est jugée essentielle pour compléter l’action de l’éducation nationale .
Comment justifier alors que l’action de tels services s’arrête à 20 ans ?