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Disparition de Bernard MOTTEZ

Article publié le dimanche 1er février 2009.


Bernard Mottez, est disparu dans la nuit du 3 à 4 janvier 2009 à San Salvador

Bernard Mottez était un sociologue entendant réputé, professeur d’université, chercheur universitaire et auteur du livre « Les Sourds existent-ils ? »

Source : ARILS

L’ARILS a le regret d’apprendre la disparition de Bernard Mottez qui occupa les fonctions de Directeur de Recherches à l’EHESS de Paris. La plus grande partie de ses recherches est dédiée à la communauté et à la langue des sourds français. Par ses qualités scientifiques doublées d’une force de conviction remarquable, il a contribué de façon déterminante à la reconnaissance institutionnelle de la LSF.

En 1976, Bernard Mottez et Harry Markowicz, linguiste américain auteur de plusieurs études sociolinguistiques sur la Langue des Signes Américaine animent un séminaire à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales de Paris. Ce séminaire sera un lieu de contacts et d’échanges pour des Sourds, des Entendants d’horizons professionnels et géographiques divers. Mottez et Markowicz fondent la revue Coup d’oeil, 1977. Cette revue hebdomadaire va vite devenir la chronique et le catalyseur du mouvement français.. Jusqu’à la fin de sa carrière, il dédiera sa plume élégante et précise à la défense de la langue, de l’identité, de la culture sourde laissant aujourd’hui une bibliographie incontournable pour celles et ceux qui, sourds et entendants, s’intéressent à la LSF et à ses locuteurs.

Mottez restera un personnage central dans la mémoire collective de toutes celles et de tous ceux qui ont œuvré et qui continuent à œuvrer pour l’égalité des droits des citoyens sourds à pratiquer leur langue, à accéder au savoir, à pouvoir travailler, vivre en société.

Nous devons hommage à l’homme qui a participé à la rupture du regard social exclusivement réparateur posé sur les sourds, l’homme qui s’est engagé activement dans ses travaux pour que la langue des signes et ses locuteurs sortent d’une indifférence institutionnelle française de plus d’un siècle.

Mottez a magistralement montré l’aspect fondamental de la dimension socio de la recherche en langue des signes.

Les recherches de Mottez se sont trouvées en prise à des mouvements sociaux, historiques, à une forte demande sociale.

Les recherches sociologiques, sociolinguistiques dérangent car elles portent des diagnostics, des expertises à la limite des recommandations sur le jeu des idéologies, des politiques linguistiques, sociales. Bernard Mottez a dérangé, bousculé les stéréotypes convenus, tout faits sur la différence sourde, les processus de stigmatisation d’une communauté, d’une langue.

Cette approche socio de la recherche en LS est plus que jamais importante à une époque où nos sociétés rêvent d’un monde moderne qui serait un grand village tenu par les fils d’une toile d’araignée géante (internet). Le devenir de ces peuples modernes ne se définiraient que là où le besoin, la rentabilité se feraient sentir, force indices boursiers et avancées technologiques.

Dans ce village on pourrait facilement se passer des humanités, de la philosophie, de la linguistique, de la littérature qui ne sont pas rentables sur le marché économique. On pourrait d’autant plus se passer de la sociologie et de la sociolinguistique qui ne sont pas plus rentables et qui de surcroît sont des disciplines poil à gratter pour les institutions, les gouvernements successifs qui ont eu à répondre à la question centrale :

Dans quelle langue, les sourds doivent-ils et peuvent-ils se construire ?

Bref, pour gloser l’intitulé d’un article de Bernard Mottez paru en 1993 dans le numéro double 46/47 de la Revue des psychanalystes : Dans quelle(s) langue(s) les sourds peuvent ils exister ?

De ses travaux nous retiendrons un point réccurent qui n’a pas fait l’objet d’une étude spécifique chez lui mais que l’on retrouve dans ses écrits sous des mises en rapport multiples, à savoir, les représentations sociales :

déficience et handicap
identité / surdité
dénomination / catégorisation
stigmate / langue
Corps / corps social
Altérité / normes sociales

Dans chacune de ses mises en rapport énumérées ci-dessus, de façon non exhaustive, Mottez mesurait la force du jeu des représentations sociales.

L’heureuse compilation des travaux de Mottez entreprise par Andrea Benvenuto (articles) et par Michel Lamothe (revue "Coup d’oeil) nous permet de mieux mesurer que ce qui pouvait sembler atomisé dans ses différents travaux suivait une ligne cohérente de questionnement du poids des représentations dans chacun des rapports qu’il travaillait.

Par exemple, lorsque Mottez expliquait que l’échec scolaire massif des jeunes sourds français coïncidait avec la force du mouvement oraliste français. Il posait que la force du mouvement oraliste n’était pas tellement d’avoir réussi à oraliser les sourds car sur ce plan là l’oralisme a généré un échec scolaire massif. La réussite de l’oralisme c’est d’avoir entretenu le déni de la surdité maintenu et véhiculé des représentations négatives de la surdité, de la LSF chez les professionnels (médecins, pédagogues) et chez les parents d’enfants sourds.

Son départ plonge l’ensemble des chercheurs en LSF, les responsables associatifs, les pédagogues sourds dans la tristesse. Nous savons tous le poids de sa contribution à l’avancée des connaissances sociologiques, à la reconnaissance d’une identité, d’une langue, d’une culture sourde. Nous saluons un maître, un guide, un ami.

Richard Sabria

Président ARILS

http://id.erudit.org/iderudit/001390ar

MOTTEZ B., 1977, A s’obstiner contre les déficiences, on augmente souvent le handicap : l’exemple des sourds , Sociologie et sociétés, vol. 9, n° 1, 1977, pp. 20-32.

MOTTEZ B., 1978, La diglossie dans la langue des signes, paraphrase d’un article de W. STOKOE dans REEDUCATION ORTHOPHONIQUE, vol. 16, n°100, Paris, pp 11-23.

MOTTEZ B., 1981, La surdité dans la vie de tous les jours, CTNERHI, Paris, 104 p. http://www.ctnerhi.com.fr/fichiers/ouvrages/095.pdf

MOTTEZ B., 1993, Les sourds existent-ils ? dans La parole des sourds, REVUE DU COLLEGE DE PSYCHANALYSTES n°46-47, Paris, pp 49-58.

MOTTEZ, B., 1989, La sortie du ghetto, dans La surdité chez l’enfant en France, J P Bouillon (ed), publications du CTNERHI, Paris.

Comité Mottez

Un comité d’hommage à Bernard Mottez vient de se mettre en place : http://hommagemottez.blogspot.com/

Objectifs : - Conception et réalisation d’une plaque commémorative pour sa tombe au Salavador et une autre en France.
-  Journée en sa mémoire partout en France (date et organisation à définir)

Avis de recherche : Le comité recherche des " Sourds Catalyseurs" des années 1970-1980 pour récolter des témoignages du réveil Sourd. Les Sourds catalyseurs sont ceux qui ont été les premiers à prendre conscience de la valeur de la langue des signes et de l’identité sourde. Ces mêmes Sourds dont Bernard Mottez avait rencontré et qui avaient permis la publication d’un rapport commandé par l’Unisda. Le comité recherche également des écrits du premier voyage à Gallaudet.

Appel des fonds : Un appel national pour récolter des fonds destiné à la réalisation des plaques commémoratives se feront par le biais des associations locaux, régionaux et nationaux. Pour s’inscrire sur le registre des associations participantes à l’appel des fonds, les associations de Sourds sont priés d’envoyer un mail à l’adresse : kholoukhoev@orange.fr


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