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Analyse métalinguistique de l’émergence d’un système d’écriture des Langues des Signes

SignWriting et son application à la Langue des Signes Italienne
Article publié le lundi 17 décembre 2012.


L’auteure analyse les utilisations et les développements potentiels du SignWriting (SW), système de représentation des Langues des Signes (LS), afin de détecter ses caractéristiques structurales, ses contradictions, sa nature, et de comprendre comment un système si complexe (plus de 37 000 symboles, appelés glyphes) est tellement facile à apprendre pour les sourds signeurs.

Claudia Savina Bianchini
Thèse de doctorat
Université Paris 8
Directeur de thèse : Christian Cuxac

La thèse est organisée en 4 parties (10 chapitres).

La première partie porte sur un historique de l’écriture (naissance de l’alphabet, évolution et diffusion des caractères chinois, écritures mésoaméricaines) qui sert à montrer que chaque langue vocale (LV) typologiquement différente a développé un système d’écriture différent. L’écriture n’est pas uniquement le reflet des spécificités de la langue qu’elle code : les caractéristiques culturelles, socio‑économiques et matérielles environnantes ont une forte influence. Nous examinons l’écriture du point de vue de son apport aux sociétés : les innovations qu’elle permet (des sciences jusqu’ aux arts et techniques), la façon dont elle structure la société et les relations de pouvoir entre les individus et les nations.
Même les LV du monde qui n’ont pas leur propre forme d’écriture sont scriptibles à travers des systèmes fondés sur des écritures préexistantes, comme l’Alphabet Phonétique International (API). Les LS n’ont pas d’écriture mais l’API n’est pas applicable, vu la différence de canal (audio‑phonatoire vs. visuo‑gestuel) et de structures de la langue (Structures de Grande Iconicité - SGI - et Unités Lexématiques ‑ UL) et vu les spécificités culturelles de la communauté sourde signante : il faut donc imaginer un système d’écriture radicalement différent. Les motivations poussant à représenter les LS ne peuvent être comprises sans évaluer les facteurs socio‑culturels liés à la communauté sourde, mais aussi l’impact potentiel de l’écriture des LS sur l’enseignement de et en ces langues et l’intérêt des chercheurs travaillant sur la LS : de là, la distinction nécessaire entre écriture des LS (LS‑Écrite) et transcription de productions face‑à‑face (LS‑FÀF). Il faut aussi différencier la notation (représentation graphique du signifiant) de l’annotation (description de phénomènes présents dans un texte). Nous présentons les systèmes de notation des LS : étiquettes verbales mono‑linéaires ou organisées en partitions, descriptions par mots, systèmes de notation linéaire anciens ou modernes, représentations par images. Aucun de ces systèmes n’est à même de représenter toutes les composantes du signe et certains d’entre eux ignorent même les composantes non manuelles, indispensables pour véhiculer le sens en LS. Ce problème se reflète dans les corpus en LS : généralement ils ne sont pas notés mais annotés.

La deuxième partie de la thèse présente le système SW. Ses origines et caractéristiques sont présentées, avec examen de son classement possible dans une typologie des écritures existantes : SW s’avère être un système à part, qui représente des langues qui, en fonction du canal, sont différentes de toutes les autres. Vient ensuite un état des lieux concernant les travaux menés sur SW dans le monde, insistant tout particulièrement sur ceux de l’ISTC‑CNR de Rome et de l’UMR7023‑CNRS de Paris. Le parcours des membres sourds de l’ISTC‑CNR (réunis dans le LLISS, Laboratoire de LIS‑Écrite) montre que SW est facile à apprendre et stimule d’emblée des réflexions métalinguistiques (RM).
Un chapitre porte sur la méthodologie de la thèse, fondée sur l’observation participative du groupe du LLISS. Nous avons utilisé principalement 5 textes narratifs racontant la PearStory de Chafe (3 en LIS‑Écrite, 2 en LIS‑FÀF), recueilli les RM du LLISS sur l’utilisation de SW et les problèmes de représentation qu’il a rencontrés et, enfin, ses RM.

La troisième partie de la thèse est d’abord consacrée à une analyse fine de la structure de SW, des éléments qu’il permet de coder, mais aussi des problèmes liés à son organisation, avec une attention particulière à la cohérence graphique du système (qui constitue sa force mais ne peut toujours être maintenue). Sont analysées les RM des membres du LLISS sur l’utilisation du système, et les problèmes que peut poser la composition d’un texte : un élément intéressant est la présence de glyphes ad hoc, inventés par les utilisateurs pour palier des imprévus. Suit une analyse des difficultés de lecture pour envisager des mécanismes d’amélioration de la lisibilité des textes.
SW est ensuite comparé aux autres systèmes de notation utilisés auparavant par le LLISS. Ce chapitre porte notamment sur les différences stylistiques, linguistiques et graphiques entre écrire et transcrire avec SW ‑ déjà assez marquées pour une écriture émergente. Sont aussi présentées les RM concernant la transcription et ses règles.
Un chapitre est consacré aux RM, notamment celles concernant l’utilisation respective des UL et SGI dans les textes écrits et transcrits et les différentes façons de signer un même contenu. Une section étudie l’expression faciale et ses variantes dans les signes de discours écrits et transcrits et dans les signes isolés des dictionnaires de LS. Ce chapitre contient enfin une liste de signes du vocabulaire technique utilisé au LLISS.

La quatrième et dernière partie contient des propositions visant l’évolution de SW compte tenu des données recueillies. Une nouvelle classification de SW est proposée, fondée sur des règles permettant d’associer à chaque glyphe une série unique de caractéristiques. D’autres propositions concernent l’informatisation de SW, avec présentation de SWift, un nouvel éditeur de texte. Enfin, est abordé le problème de l’annotation des textes en SW.

En conclusion, les informations recueillies permettent d’améliorer la connaissance de SW mais aussi d’en faciliter l’utilisation. Seul le temps déterminera si SW sera adopté par la communauté sourde et si cette éventuelle diffusion influera sur la nature même de SW.

Source : CIS Aquitaine

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